Un café avec Jean Couvreur
Interview par Charlotte Imbault
Jean Couvreur est designer et scénographe basé à Paris. Pour Kann, il a dessiné l’ensemble de la collection Residence qui se décline en chaises, fauteuils et tables. Autour d’un café, il raconte comment il pense et conçoit les objets.
Peux-tu nous raconter l’histoire de la chaise Residence ?
Les premières chaises Residence ont été destinées aux équipements des ateliers d’artistes à la Cité internationale des arts dans le cadre d’une commande du ministère de la Culture. J’ai été guidé par plusieurs paramètres. D’un côté, l’esthétique des lieux avec beaucoup de mobilier des années 60 et un dessin de l’espace très géométrique. Et de l’autre, des contraintes exigeantes de solidité pour que le siège réponde aux diverses pratiques des artistes qui s’y succèdent tous les trois ou six mois. J’ai donc dessiné une structure très solide, très robuste, inspirée de portiques métalliques comme on en trouve dans l’univers technique du spectacle, que j’ai associée à des coussins volontairement épais, offrant une assise confortable pour aussi bien y travailler que manger… J’ai choisi une forme ronde pour les coussins, car j’aime penser les objets en ronde-bosse, les envisager comme des sculptures, que l’œil puisse plus facilement circuler tout autour, qu’il ne soit jamais arrêté par un angle.
Après avoir décliné la collection Residence en chaises hautes et en fauteuils bridge, comment as-tu pensé le dessin de la table de cette même collection ?
À l’origine, j’avais dessiné des tréteaux en métal, mais quand on a décidé avec Kann de proposer ce mobilier pour l’hôtellerie ou les restaurants, le tertiaire et même la maison, on a commencé à y apporter du bois. Les tables Residence sont en finition noyer et ne dérogent pas à la solidité de l’objet : on emploie les mêmes sections de tubes métalliques pour les pieds. Ce sont les détails pour la table qui font la différence : le plateau est biseauté, en aile d’avion, ce qui donne l’impression que le plateau est plus fin. Il a des congés aux angles, ce qui évite de se blesser et rend la table moins fragile. Et comme avec les coussins de la chaise, l’œil peut tourner autour. Je ne voulais pas non plus faire une forme totalement ronde parce qu’il s’agit de tables qui peuvent être aboutées les unes à côté des autres. Et lorsqu’on aligne plusieurs convives à une même table, c’est intéressant d’avoir un plateau suffisamment droit qui permet d’être à la même profondeur.
Par quoi ton œil de designer est-il attiré ?
Personnellement, j’ai un attrait pour les objets techniques, industriels. Des objets qui ont la beauté de leur simplicité, que ce soit une pièce de quincaillerie, une charnière, un collier de serrage ou un outil. Des objets efficaces, parce que utiles. Ça m’intéresse d’aller chercher dans ces objets très ordinaires. En design, pour faire passer un message, il faut aller à la source, à l’essence des objets. C’est aussi beaucoup l’essence des matériaux, donc les matériaux bruts. Je travaille beaucoup en noir et blanc. Et ce qui m’intéresse dans le design, ce sont les contours des objets et la masse qu’ils peuvent représenter. Je vois l’objet dans sa globalité, ils m’apparaissent comme des volumes et des surfaces, des peintures et puis après, je rentre dans le détail.